ET SI … M. LE PEN NE PASSAIT PAS LE PREMIER TOUR ?
La campagne présidentielle française au scrutin à deux tours est enfin passionnante. Aujourd'hui M. Le Pen est en tête dans les sondages au premier tour sans passer au second tour comme si c'était normal. Mais on peut désormais imaginer qu'après l'éjection de certains candidats traditionnels, ce pourrait être également le tour de cette dernière qui va cette fois comprendre à ses dépends la normalité et les votes cachés dont elle ne dispose plus forcément.
Par François CHARLES
Conseil en stratégie et management, ancien conseiller national politique
En France, le premier tour sert toujours pour exprimer ses rancoeurs, son vrai positionnement, l'espoir que les candidats imaginés au second tour prendront quelques idées. Sauf que cette fois, bien malin qui saura dire qui sera le binôme final tant les équilibres sont instables entre les principaux candidats mais aussi avec l'influence des autres ? Cela va peut être redonner envie d'aller aux urnes, avec le risque d'un vote dilué dès le premier tour mais pas dans le sens que l'on croit.
Le « sois parfait parent » et très conventionnel F. Fillon, qui une fois de plus ne va pas apprécier ce que j'écris, a un fond acceptable mais personne n'irait hélas à la guerre avec lui. Il n'aurait pas du s'excuser de ce qu'il a fait ou plutôt fait faire ou alors le faire pour tous en promettant que cela ne se produira plus... La droite traditionnelle et le centre droit risquent de voter pour lui avec le même risque de raz de marée que pour les primaires de la droite car bien des électeurs vont bien se cacher de dire qu'ils lui donnent leur voix, comme du temps où il n'était pas correct de dire que l'on votait pour M. Le Pen. Sauf que F. Fillon est politiquement correct pour finalement être élu.
L' « empathique » B. Hamon, dans la lignée de Hollande, et qui a, quant à lui gagné les primaires de la gauche grâce à son projet réactionnaire de revenu universel, représente une gauche acceptée par la classe politique mais pas par les électeurs déçus, mais de quoi d'ailleurs...
Ces deux candidats des grands partis actuels sont contrés par un candidat qui n'a jamais été élu, comme beaucoup d'autres, n'a jamais participé à aucune primaire par défaut de positionnement et est finalement le vrai gaulliste de la bande. Je veux, bien entendu, parler du « sois parfait enfant » et du maître du big data E. Macron qui ne s'attendait pas, comme Trump, à se retrouver là mais qui s'en accommode en rassemblant tous ceux qui souhaitent un rafraîchissement raisonnable en sortant des ornières traditionnelles, ce qui ne va pas sans déplaire à quelques électeurs infidèles ou de nouveaux électeurs qui cette fois se déplaceront en cachant sans doute leur vote jusqu'au bout.
La « sois-forte » Le Pen sait qu'au premier tour elle recueille généralement les électeurs contestataires, ce qui représente un risque si les autres candidats du premier tour émettent des idées recevables. Mais elle dispose désormais d'électeurs stables qui ne se cachent plus, ce qui représente aussi un risque car ces voix peuvent du coup également aller tout de suite vers des partis davantage « acceptables ». Quant à ses inquiétudes avec la justice, les Français en sont détachés car il s'agit de problématiques européennes.
Le « rebelle » et contre leader numérique JL Mélenchon représente une gauche à la fois forte réformatrice et jeune s'inspirant beaucoup du FN. Il sait faire monter la mayonnaise, attire non seulement les voix de la gauche mais de ceux qui étaient directement passés au front National sans passer par la case départ. Il émet un discours européen réaliste et constructif avec un comportement davantage accepté également par les marchés.
Les sept autres candidats, à qui l'on doit le respect d'avoir obtenu les 500 parrainages, dont certains ne se présentent qu'à cette élection, ont donné de la voix et vont peut-être davantage peser de leurs voix au second tour par leurs décisions d'alliances. Ils sont généralement plus performants sur le terrain ou dans les documents peaufinés que lors de leur prestation lors du grand débat.
N. Dupont-Aignant fait un peu penser à Lemaire qui a quelques bonnes idées mais sans le charisme nécessaire et donc que l'on ne croit pas. F. Asselineau surfe depuis longtemps sur le net et surtout sur sa vague du Frexit de l'UE, de l'OTAN, de l'Euro tout en se faisant retoquer par M. le Pen, mais fait un peu penser aux acteurs irresponsables de la planche à secousse britannique qui se sont bien vite enfui pour ne pas faire le job une foi que les urnes ont tourné en leur faveur. J. Cheminade vit essentiellement sur la finance et non plus dans l'espace. J. Lasalle nous apporte sa fraîcheur basque avec une grande expérience du terrain. Quant à P. Poutou qui a su envoyer sa flèche de la non immunité ouvrière et N. Arthaud, beaucoup plus européenne que certains, leur présence nous rappelle que quelques pourcentages sont toujours très réactionnaires sans pour autant avoir rejoint le FN.