L'autre lettre du Général de VILLIERS
C 'est fait, le Chef d'Etat Major des Armées françaises a posé sa démission qui a été acceptée sans émotion, vite remplacé par un « héro et vrai chef de guerre » comme si l'ancien ne l'était pas. En plus de son rappel à l'ordre en public, le président jupitérien chef des Armées n'a vraiment pas apprécié que son subordonné s'exprime dans une tribune puis confirme ses positions comme un lanceur d'alerte. Mais qu'aurait-il pu également écrire ?
Par François CHARLES
Armée de terre puis affaires industrielles et maintenance à la DGA, conseil en politique générale, management et affaires européennes
Comme vous le dites, Monsieur le président, un CEMA n'est pas là pour défendre le budget de la défense mais plutôt des capacités et conduire des troupes ainsi que mener des opérations. Je reprendrai ce que l'on dit dans l'armée : un chef, une mission, des moyens.
Le chef je le suis, après avoir été nommé. Je suis reconnu par mes troupes. Par contre, en tant que leader responsable des forces armées, et leader opérationnel, voire de processus de la défense, j'avoue que tout n'est pas encore mis en place dans les missions que vous me confiez pour avancer de façon mature au delà du système « D ».
Je suis conscient qu'il s'agit d'une mission française et européenne à dimension également mondiale. Je suis conscient que vos devez montrer à nos partenaires le respect de certains engagements économiques. Mais vous devez être conscient qu'il s'agit de gérer à la fois un service normal et surtout des opérations extérieures qui masquent certaines réalités que vit pourtant le civil dans sa guerre économique quotidienne. Mais je vous demande de savoir dire parfois non à certains engagements, comme vous le faites pour des choix économiques au regard de choix de défense, si vous ne parvenez pas à convaincre nos partenaires européens de mieux nous aider à accomplir ces tâches, soit par les moyens logistiques ou en personnels qu'ils ont fourni par exemple au Mali, soit par des contributions financières mais non prévues dans le système actuel européen, concentré sur des dépenses d'investissements et non de fonctionnement. Ce constat budgétaire, reconnu pas les autres depuis longtemps, pourra peut-être mieux nous faire travailler ensemble dans une identité européenne au sein de l'OTAN. Mais là n'est pas de mon ressort.
J'accomplirai toujours mon devoir avec les moyens que vous me donnerez et je suis conscient que nous pouvons faire mieux avec autant. Je vous demande également d'intervenir avec autorité et avec notion de solidarité vis-à-vis de nos partenaires industriels, qui se sentent trop souvent intouchables, pour qu'ils sachent travailler à coût objectif, livre ouvert et partage de risques, surtout sur le maintien en condition opérationnel. Je dois moi-même poursuivre mes efforts envers mes subordonnés, souvent trop disciplinés, qui souvent cachent les processus qui ne peuvent ainsi être soignés, ainsi que dans mes propres structures industrielles encore très hermétiques considérant que l'Etat est son propre assureur et se réfugiant derrière une sécurité qui n'a pas de prix et où de toute façon les moyens seront mis.
Je sais que les réalités sont souvent les mêmes chez nos partenaires européens. Vous avez nommé une ministre des armées plutôt gestionnaire. Ensemble, avec la DGA qui doit continuer à optimiser son positionnement, peut-être pourrons-nous faire avancer les choses sur des capacités et la disponibilité des matériels.
Je saurai, en tant également, que leader psychologique, motiver mes troupes pour maintenir le goût de l'effort au combat, comme pour la vie courante, en vous aidant à défendre ces réductions budgétaires que j'espère passagères, sans doute nécessaires au respect de nos engagements mais à une prise de conscience collective.
Bien respectueusement.
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