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Le blog philosophique de francois CHARLES

Le concept « European by design »

10 Juin 2025 , Rédigé par francoischarles

L'Union Européenne et ses membres sont économiquement forts sur le papier mais vont-ils le rester ? La crise du Covid ou la guerre en Ukraine voisine, provoquant le réarmement de l’Europe, ou même la folie des droits de douane étasuniens, ne doivent pas être les alibis de la réaction. Dans l’élaboration de ses quatre piliers de politique générale que sont sa stratégie, son identité, sa structure et son processus de décision, et surtout à l’époque des réalités prévues ou non des plans de relance, il convient d'implémenter de nouvelles notions : segmentation, imbrication, dépendance dans l’interdépendance à travers notamment le concept « European by design », sorte de norme « bonne pour l’Europe » à la recherche d'une intelligence, d’une solidarité et d'une certaine autonomie, bien au-delà qu’économique et industrielle, unie dans la diversité dans une liste non exhaustive.

Par François CHARLES

Economiste, expert stratégie, organisation, intelligence, innovation, ancien responsable d’affaires industrielles de défense, et président de l’Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe (I.R.C.E.)

Mieux qu’un truc fumeux ou uniquement technique, que les politiques ne maitrisent d’ailleurs pas, il s’agit, comme pour le concept de buy European act, de penser autrement pour agir autrement, de se poser d’abord les bonnes questions en amont à travers l’UE, voire l’Europe sur ce que l’on sait faire ou à quel coût, quel prix, quelle qualité, quel délai, quelle performance, avant toute considération initiale de souveraineté bloquant souvent toute réflexion commune, certes avec des réalités différentes entre les grands pays et les autres plus dépendants.

Sans forcément penser autonomie de capacité, il s’agit de penser éco-conception européenne notamment de coût, délais, performance, qualité, analyse de la valeur, interopérabilité, interchangeabilité, maintenance. Il s’agit de reconnaitre les savoirs, savoir-faire existants ou à combler, de penser économie d’échelle, de segmentation des fabrications pour éviter la fragmentation avec de possibles achats croisés, que font d’ailleurs certains pays en créant des alliances  bilatérales à l’intérieur de l’UE, pourtant protégée par le marché unique et par une assistance commune dans la défense.

 Avant de fabriquer uniquement pour ses propres besoins, il s’agit de pouvoir imaginer quel pourrait être un socle commun et des spécificités reconnues et réalisables pour tous. C’est apprendre les besoins des autres avant de cristalliser les siens chez soi et les tester ensuite chez les autres, c’est concevoir un concept évolutif. C’est savoir s’il faut une solution française ou allemande pour l’Europe ou une solution qui puisse à terme intégrer de façons évolutives les compétences et demandes spécifiques des autres pays, de savoir qui au départ prendra la partie chaude ou froide du moteur, avec les impacts directs et indirects sur la maintenance.

C’est aussi valoriser les solutions nationales existantes avant d’imaginer a contrario uniquement des partenariats parfois plus couteux sous prétexte de cofinancements et avant d’acheter à l’extérieur. C’est comprendre la distinction entre coopération, collaboration et alliances. C’est savoir ne pas toujours vouloir être leader ou menant pour accepter d’être coopérant et participer à encore plus de projets.

European by design, c’est concevoir les produits dès l’origine avec les technologies européennes dont la complémentarité peut créer un avantage compétitif comme nulle part ailleurs dans le monde, en cohérence avec les forces et faiblesses de chacun. C’est savoir imaginer souveraineté et autonomie à moyen et long terme, par une approche globale substantielle salutaire et non avec un pourcentage fixé. C’est travailler en ingénierie concourante en intégrant tout les acteurs dès le départ, comme pourraient mieux le faire certaines entreprises transeuropéennes.

C’est une intelligence de répartition dans la recherche, l’innovation ou la fabrication sans forcément faire un choix avec le service, en intégrant les capacités existantes ou à doubler par sécurité, et non pas uniquement par demande et retour géographique de financement. Mais c’est aussi une intelligence de financement publique privée faisant aussi appel à l’épargne ou aux dons avec une gestion et un pilotage efficaces.

European by design c’est penser la relation état-industrie en terme de coût objectifs, délais, performance, livres ouverts, bonus malus, partage des risques. C’est savoir dans l’industrie de défense, s’il faut faire un char à 10 millions, un avion de chasse à 100, de transport à 200, un missile ou un drône grâce à un observatoire européen du plan, de l’identification du besoin au retrait de service. Dans l’énergie et l’environnement, c’est par exemple penser à la fois centrales nucléaire et petits réacteurs au sein d’un mix-énergétique souvent lié à des politiques nationales et créer de la valeur par les éléments durables. Dans l’espace, c’est penser Ariane mais également micro lanceurs et surtout satellites avec partenariats.

European by design c’est avoir la possibilité de faire des accords bilatéraux ou trilatéraux économiques, commerciaux ou de défense, sans remettre en cause la membrane externe ou les grands accords stratégiques pouvant déjà exister avec des structures externes à l’UE, où il est également possible de fonctionner by design.

C’est ne pas briser les liens de quasi tous les  Etats-Membres avec le grand partenaire que sont les Etats-Unis, tout en maintenant une identité forte, respectée et respectable, et en limitant toute possible ingérence de déstabilisation du système,  sous prétexte de dérive d’indépendance, comme on peut l’entendre dans certaines conférences en France et en Europe.

C’est la création de possibles marchés européens harmonisés non fragmentés, comme par exemple pour la cybersécurité, c’est créer à la fois des champions qui savent maintenir des liens avec des sous-traitants nationaux ou européens. C’est savoir couver les start et scale-up en maintenant un lien avec l’Europe, c’est créer une concurrence intelligente au sein de l’UE mais surtout à l’export en sachant présenter un ou plusieurs  produits complémentaires, c’est parler désormais de retour sociétal en interne plutôt que d’offsets, c’est la création d’un label export avec une maintenance interchangeable. C’est bâtir en confiance une base de données  accessible aux entreprises pour réaliser leurs obligations de contreparties avec accompagnement des PME pour trouver les partenaires locaux, tout en maintenant le lien avec le constructeur.

Dans la santé, penser European by design c’est par exemple prévoir, si possible, une harmonisation des packaging et des posologies, comme cela a été fait pour d’autres domaines et en faire profiter ceux qui ne bougent pas par une meilleure mise en œuvre du marché unique.

S’agissant du budget, les efforts peuvent être mieux répartis entre les priorités de chaque Etats-membre avec impact sur le budget général et sa répartition si possible aussi en retour de solidarité.

Concernant l’intégration, c’est prendre conscience des droits et des devoirs mais aussi de l’identité du nouvel état-membre qui viendra se rajouter, dans la diversité, à la politique générale, celle-ci pouvant aussi être parfois révisée, avec une nécessaire interdépendance entre les gouvernances des institutions et des Etats-membres, où il ne semble pas forcément possible de tout harmoniser au nom de valeurs et où il manque sans doute une vraie diplomatie sous couvert d’une défense commune officialisée à travers l’OTAN.

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La défense européenne « NATO by design »

10 Juin 2025 , Rédigé par francoischarles

Au lendemain où Emmanuel Macron, à cheval entre bilatéralisme et multilatéralisme, entre le format Normandie et Weimar, signe un accord d’amitié et de coopération renforcée avec la Pologne de Donald Tusk, pourtant tous deux alliés au sein de l’OTAN, et à la veille d’un prochain sommet de l’organisation où les Etats-membres pourraient imaginer consacrer 5% de leur budget à la défense par contrainte ou nécessité, peut-être pourrions nous nous demander comment l’UE, avec d’autres partenaires, pourrait être une vraie puissance, au-delà d’utiliser de simples sanctions économiques, en se rattachant à l’OTAN majoritairement européenne de façon officielle  by design », au-delà de la simple convention et de la pseudo répartition militaire ou crises et avec le respect de l’importance des mots employés.

Par François CHARLES

Economiste, expert stratégie, organisation, relations européennes et internationales, ancien responsable d’affaires industrielles de défense dont OTAN, et président de l’Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe (I.R.C.E.)

En rappelant plutôt les éléments de la théorie des organisations à travers le leadership, la structure, les membres et la stratégie dans les environnements internes et externes, je ne reprendrai pas notre fascicule OTAN 2030 avec certains contributeurs dont mes 20 pages sur les relations entre la France, les Etats-Unis et les autres membres de l’OTAN, affichant les réalités matérielles mais aussi psychologiques, ou encore la possibilité de voir l’OTAN comme un vecteur d’intégration européenne depuis nos succès des années 90, où la France a valorisé ses apports en valorisant les autres Etats et créer une équipe d’Europe. C’est peut-être ce qu’il est d’ailleurs advenu récemment avec l’initiative cette fois franco-britannique sans y inviter les Etats-Unis, rompant de facto l’isolement français jusqu’alors vécu, alors que la réintégration devait au contraire y faire valoir ses apports. Il faudrait analyser les relations entre Pologne et le Royaume-Uni, deux pays très fortement liés aux Etats Unis, l’un étant peut être pris le relais au sein de l’UE, ce qui ne signifie pas que les autres ne le sont pas. L’Allemagne y prend un rôle désormais important, au point de s’y valoriser désormais comme dans l’UE, notamment par consensus, principe de l’OTAN, quand la France aime trancher, disant qu’elle doit réapprendre de la France dans le domaine militaire mais que la France devrait apprendre de l’Allemagne comment travailler au sein de l’OTAN surtout dans cette phase de réarmement face à la Russie et pourquoi la Chine.

Comme dans certains pays qui évitent de communiquer sur les financements européens, la France évite de communiquer sur l’OTAN alors qu’elle intègre les besoins opérationnels et techniques, en regardant ce qu’il se fait déjà sans chercher à travailler sur une page blanche, comme par exemple avec Tide Sprint, et avec des centres de simulation. Loin d’être un truc fumeux, le terme NATO by design est bien difficile à entendre par un Français. On le comprend mieux en entendant les Etats-Majors européens dire que « l’OTAN nous demande » certaines structures opérationnelles, auxquelles il faut bien entendu fournir aussi du matériel. Les Battelgroups sont presque bâtis comme autrefois quand par exemple Napoléon utilisait la cavalerie légère polonaise en Espagne, César la cavalerie lourde des Germains contre les Gaulois.

On peut aussi se demander si les parlementaires français allant à l’OTAN défendent les intérêts européens ou français et qu’en est-il des autres pourtant dans une dynamique consensuelle ? A noter aussi l’étonnante relation que les Etats-Membres ont avec l’organisation sans jamais, en dehors de la France, remettre en question l’aspect politico-militaire, ni même ses articles 2 et 3, avant son article 5 d’assistance militaire. Si une majorité d’Etats pensent que l’UE est économique, que le domaine militaire appartient à l’OTAN et la protège depuis sa création, les Etats-Unis n’oublient pas que leur économie en récolte les fruits sans vouloir les partager, suite aux essais que nous avons pourtant tentés pour partager le ciel.

Par convention, tout le monde s’accorde aussi que l’OTAN est militairement et que l’UE s’occupe des crises. Mais ne serait-ce t il pas plus intelligent de faire plutôt la distinction des tâches entre les domaines opérationnels et industriels, tout en y maintenant le lien fondamental sans duplication, sauf complémentaire et spécifique, comme le suggérait le Président Juncker. Pour éviter les suspicions, est-il judicieux, au sein de l’UE, de reparler des concepts d’UEO et de WEAG, certes intéressantes, qui avaient  disparus avec la chute du mur et reparler de la création d’un pilier européen de l’OTAN qui existe déjà sauf à être officialisé ? De la même façon, on peut aussi se demander ce qu’apporte en plus l’initiative NATO DIANA sur l’innovation mais aussi afficher vraiment ce que la NSPA, centrale d’acquisition et de logistique, apporte actuellement aux pays européens, avec une Eurocorps et une agence internationale OCCAR au milieu du gué. L’OTAN doit intégrer les réflexions et actions de l’UE sans s’en émouvoir et valoriser les siennes. L’I.R.C.E. avait initié en 2013 un événement industrie de défense en intégrant automatiquement l’OTAN.

Ceux qui pensent que la défense européenne peut fonctionner à quelques pays devraient se demander pourquoi tous les pays savent fonctionnement au sein de l’OTAN, sans doute car non influencés par les notions de souveraineté. La notion de puissance commune peut rassembler les souverainismes nationaux, mais elle ne peut être atteinte qu’avec une diplomatie respectée et une monnaie forte. Pour ce faire, l’UE doit donc être protégée militairement mais officiellement par l’OTAN et non par quelques Etats qui n’impliqueront pas l’UE mais peuvent entraîner l’OTAN toute entière en cas de conflit. Il faudra sans doute modifier les textes de l’UE, voire ceux de l’OTAN sauf si les constitutionalistes en décident autrement. Les grands risques concernent les pays baltes, peut-être finalement plus facilement attaquables que l’Ukraine, où désormais des troupes allemandes sont même présentes, sorte de ligne rouge humaine, tant que la Russie, pourtant partenaire de l’OTAN avant 2014, conservera ses besoins d’identité.

Les Européens qui financent davantage que les Etats-Unis sur le fonctionnement de la structure, et accroissent leurs budgets en terme de capacités, devraient simplement s’affirmer en tant que composante majeure sans rompre les liens avec le grand partenaire.  L’idée d’avancer à quelques pays est inadapté car ils se reposent sur une dynamique de pensée spécifique française. N’y aurait-il pas une problématique de leadership et d’égo sauf à prouver que cette fois le grand allié cède sa place de leader responsable, sachant qu’au-delà d’apporter une uniformisation en imposant ses matériels, il n’est même pas leader technique car non normalisé aux matériels européens.

De façon industrielle, à travers la transformation, dirigée par la France, et opérationnelle, l’OTAN est considérée une organisation étasunienne pour les Français, mais une dynamique européenne pour les Américains. L’Europe y existe donc et sait y travailler sans les Etats-Unis puisque la normalisation est la règle alors qu’elle ne s’applique pas aux matériels ni aux systèmes étasuniens qui cherchent à s’imposer sans notion d’interopérabilité. Outre les aspects de souveraineté, les pays UE de l’OTAN savent déjà trouver des compromis et travailler avec l’Autriche qui a maintenu pour l’instant sa parole, mais aussi le Royaume-Uni, l’Islande, la Turquie, la Norvège, la Suisse et même un peu de façon précipité ave l’Ukraine. Quant à un SACEUR ou commandant en chef européen, certains avancent que les Etats-Unis ne lâcheront pas le poste tant qu’un soldat étasunien sera en Europe même s’ils peuvent y venir rapidement dans les bases prévues à cet effet alors que bien entendu les Français, forts de leur dissuasion, réclament le poste. Reste aussi à savoir quels arrangements de solidarité seront trouvés en cas de conflit en Asie, rappelant l’épisode de Corée.

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