La défense européenne « NATO by design »
Au lendemain où Emmanuel Macron, à cheval entre bilatéralisme et multilatéralisme, entre le format Normandie et Weimar, signe un accord d’amitié et de coopération renforcée avec la Pologne de Donald Tusk, pourtant tous deux alliés au sein de l’OTAN, et à la veille d’un prochain sommet de l’organisation où les Etats-membres pourraient imaginer consacrer 5% de leur budget à la défense par contrainte ou nécessité, peut-être pourrions nous nous demander comment l’UE, avec d’autres partenaires, pourrait être une vraie puissance, au-delà d’utiliser de simples sanctions économiques, en se rattachant à l’OTAN majoritairement européenne de façon officielle by design », au-delà de la simple convention et de la pseudo répartition militaire ou crises et avec le respect de l’importance des mots employés.
Par François CHARLES
Economiste, expert stratégie, organisation, relations européennes et internationales, ancien responsable d’affaires industrielles de défense dont OTAN, et président de l’Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe (I.R.C.E.)
En rappelant plutôt les éléments de la théorie des organisations à travers le leadership, la structure, les membres et la stratégie dans les environnements internes et externes, je ne reprendrai pas notre fascicule OTAN 2030 avec certains contributeurs dont mes 20 pages sur les relations entre la France, les Etats-Unis et les autres membres de l’OTAN, affichant les réalités matérielles mais aussi psychologiques, ou encore la possibilité de voir l’OTAN comme un vecteur d’intégration européenne depuis nos succès des années 90, où la France a valorisé ses apports en valorisant les autres Etats et créer une équipe d’Europe. C’est peut-être ce qu’il est d’ailleurs advenu récemment avec l’initiative cette fois franco-britannique sans y inviter les Etats-Unis, rompant de facto l’isolement français jusqu’alors vécu, alors que la réintégration devait au contraire y faire valoir ses apports. Il faudrait analyser les relations entre Pologne et le Royaume-Uni, deux pays très fortement liés aux Etats Unis, l’un étant peut être pris le relais au sein de l’UE, ce qui ne signifie pas que les autres ne le sont pas. L’Allemagne y prend un rôle désormais important, au point de s’y valoriser désormais comme dans l’UE, notamment par consensus, principe de l’OTAN, quand la France aime trancher, disant qu’elle doit réapprendre de la France dans le domaine militaire mais que la France devrait apprendre de l’Allemagne comment travailler au sein de l’OTAN surtout dans cette phase de réarmement face à la Russie et pourquoi la Chine.
Comme dans certains pays qui évitent de communiquer sur les financements européens, la France évite de communiquer sur l’OTAN alors qu’elle intègre les besoins opérationnels et techniques, en regardant ce qu’il se fait déjà sans chercher à travailler sur une page blanche, comme par exemple avec Tide Sprint, et avec des centres de simulation. Loin d’être un truc fumeux, le terme NATO by design est bien difficile à entendre par un Français. On le comprend mieux en entendant les Etats-Majors européens dire que « l’OTAN nous demande » certaines structures opérationnelles, auxquelles il faut bien entendu fournir aussi du matériel. Les Battelgroups sont presque bâtis comme autrefois quand par exemple Napoléon utilisait la cavalerie légère polonaise en Espagne, César la cavalerie lourde des Germains contre les Gaulois.
On peut aussi se demander si les parlementaires français allant à l’OTAN défendent les intérêts européens ou français et qu’en est-il des autres pourtant dans une dynamique consensuelle ? A noter aussi l’étonnante relation que les Etats-Membres ont avec l’organisation sans jamais, en dehors de la France, remettre en question l’aspect politico-militaire, ni même ses articles 2 et 3, avant son article 5 d’assistance militaire. Si une majorité d’Etats pensent que l’UE est économique, que le domaine militaire appartient à l’OTAN et la protège depuis sa création, les Etats-Unis n’oublient pas que leur économie en récolte les fruits sans vouloir les partager, suite aux essais que nous avons pourtant tentés pour partager le ciel.
Par convention, tout le monde s’accorde aussi que l’OTAN est militairement et que l’UE s’occupe des crises. Mais ne serait-ce t il pas plus intelligent de faire plutôt la distinction des tâches entre les domaines opérationnels et industriels, tout en y maintenant le lien fondamental sans duplication, sauf complémentaire et spécifique, comme le suggérait le Président Juncker. Pour éviter les suspicions, est-il judicieux, au sein de l’UE, de reparler des concepts d’UEO et de WEAG, certes intéressantes, qui avaient disparus avec la chute du mur et reparler de la création d’un pilier européen de l’OTAN qui existe déjà sauf à être officialisé ? De la même façon, on peut aussi se demander ce qu’apporte en plus l’initiative NATO DIANA sur l’innovation mais aussi afficher vraiment ce que la NSPA, centrale d’acquisition et de logistique, apporte actuellement aux pays européens, avec une Eurocorps et une agence internationale OCCAR au milieu du gué. L’OTAN doit intégrer les réflexions et actions de l’UE sans s’en émouvoir et valoriser les siennes. L’I.R.C.E. avait initié en 2013 un événement industrie de défense en intégrant automatiquement l’OTAN.
Ceux qui pensent que la défense européenne peut fonctionner à quelques pays devraient se demander pourquoi tous les pays savent fonctionnement au sein de l’OTAN, sans doute car non influencés par les notions de souveraineté. La notion de puissance commune peut rassembler les souverainismes nationaux, mais elle ne peut être atteinte qu’avec une diplomatie respectée et une monnaie forte. Pour ce faire, l’UE doit donc être protégée militairement mais officiellement par l’OTAN et non par quelques Etats qui n’impliqueront pas l’UE mais peuvent entraîner l’OTAN toute entière en cas de conflit. Il faudra sans doute modifier les textes de l’UE, voire ceux de l’OTAN sauf si les constitutionalistes en décident autrement. Les grands risques concernent les pays baltes, peut-être finalement plus facilement attaquables que l’Ukraine, où désormais des troupes allemandes sont même présentes, sorte de ligne rouge humaine, tant que la Russie, pourtant partenaire de l’OTAN avant 2014, conservera ses besoins d’identité.
Les Européens qui financent davantage que les Etats-Unis sur le fonctionnement de la structure, et accroissent leurs budgets en terme de capacités, devraient simplement s’affirmer en tant que composante majeure sans rompre les liens avec le grand partenaire. L’idée d’avancer à quelques pays est inadapté car ils se reposent sur une dynamique de pensée spécifique française. N’y aurait-il pas une problématique de leadership et d’égo sauf à prouver que cette fois le grand allié cède sa place de leader responsable, sachant qu’au-delà d’apporter une uniformisation en imposant ses matériels, il n’est même pas leader technique car non normalisé aux matériels européens.
De façon industrielle, à travers la transformation, dirigée par la France, et opérationnelle, l’OTAN est considérée une organisation étasunienne pour les Français, mais une dynamique européenne pour les Américains. L’Europe y existe donc et sait y travailler sans les Etats-Unis puisque la normalisation est la règle alors qu’elle ne s’applique pas aux matériels ni aux systèmes étasuniens qui cherchent à s’imposer sans notion d’interopérabilité. Outre les aspects de souveraineté, les pays UE de l’OTAN savent déjà trouver des compromis et travailler avec l’Autriche qui a maintenu pour l’instant sa parole, mais aussi le Royaume-Uni, l’Islande, la Turquie, la Norvège, la Suisse et même un peu de façon précipité ave l’Ukraine. Quant à un SACEUR ou commandant en chef européen, certains avancent que les Etats-Unis ne lâcheront pas le poste tant qu’un soldat étasunien sera en Europe même s’ils peuvent y venir rapidement dans les bases prévues à cet effet alors que bien entendu les Français, forts de leur dissuasion, réclament le poste. Reste aussi à savoir quels arrangements de solidarité seront trouvés en cas de conflit en Asie, rappelant l’épisode de Corée.