Favorisons les entreprises socialement responsables
Le bonheur est dans le pré dans nos campagnes. Mais il l’est surtout dans l’entreprise car créer un emploi c’est donner du bonheur et peu d’employeurs ou de salariés en prennent conscience. Une de mes nouvelles salariées était contente de m’annoncer ce qu’elle allait faire de son premier chèque et de sa fierté d’avoir été embauchée.
C’était ma responsabilité de lui faire découvrir qu’il n’y avait pas qu’un chèque, que l’entreprise était aussi lieu d’accompagnement, qu’il était important d’entretenir cet exercice permanent de la dépendance et de l’apprentissage pour que cette envie de travailler et de réaliser sa tâche soit constante.
Les salariés aimaient se retrouver en dehors de heures salariées pour échanger et donc faire progresser l’entreprise. J’aime beaucoup cette métaphore pour un produit laitier : ce qu’il fait à l’intérieur se voit à l’extérieur. J’en ai créé une autre après une mission en entreprise : celle du « maçon et du vieux crépi » ou du « mal de coude et du mal de dos » (voir mon blog) où parfois il vaut mieux prendre le temps et le courage tout de remettre à plat et déceler souvent ailleurs les vraies causes en cassant toute logique de cloisonnement.
Par François CHARLES
Economiste, conseil en stratégie et management
J’ai eu la chance de connaître à la fois le système administratif, associatif et institutionnel ainsi que les réalités des entreprises, petites et grosses que j’ai surveillées, accompagnées ou créées. J’ai côtoyé des chefs et syndicats d’entreprises, des directeurs généraux, qui peuvent être virés en deux minutes par leur conseil d’administration, des financiers, des conseils d’administration, des commissaires aux comptes et j’ai effectué des missions d’audit avec l’image de la carotte brandie par actionnaires. J’ai des retours d’expérience de mission de conseil, des projets, de tutelle, de chef d’entreprise ou de cadres dirigeant de structures importantes. Je sais qu’aucune entreprise ne se ressemble, que les réalités sont différentes dans l’industrie lourde, l’édition, le luxe, la communication, le conseil et donc que les options d’intervention le seront également. Mais quelles que soir la structure, le capital humain qui la compose sera sa souvent une de ses plus grandes valeurs. Je n’ai pas eu peur de parler social, stratégie et préparation du futur à mes ouvriers d’Etat qui ont eu confiance et ont finalement participé à leur dynamique de façon constructive.
Etre socialement responsable c’est considérer la part importante du travail dans la vie du collaborateur, c’est parler rémunération globale avec pédagogie au-delà du simple salaire dans une approche bienveillante, c’est rechercher l’adéquation des garanties aux besoins avec chaque réalité financière, c’est adapter le temps de travail et le poste de travail, c’est prendre des décisions collectives et non unilatérales, c’est prendre conscience de l’effet de levier d’un simple chiffre, c’est aménager un espace de services et garde d’enfants dans son entreprise (ce que j’appelle le family management), c’est communiquer sur les réalités économiques plutôt que le faire par lettre ou sms envers des salariés qui ne comprennent pas pourquoi une entreprise licencie quand elle a de l’argent, c’est augmenter régulièrement les employés sauf cas exceptionnel et non l’inverse uniquement pour gratification, c’est répartir financièrement tout ou partie du résultat dans une conscience collective, point sur lequel je milite depuis 1998 pour un partage des bénéfices, car le patron n’est rien sans ses employés et inversement.
C’est également limiter la fourchette de rémunération même au dehors des entreprises publiques où l’Etat est majoritaire. Louis Gallois, qui avait introduit les sonnettes sociales à la SNCF, s’était étonné de son niveau de rémunération après sa nomination à la direction d’EADS. Il ne s’agit pas d’une politique de droite ou de gauche, mais d’une attitude responsable. Bien trop rares sont ces exemples d’employés qui se sont opposés récemment au licenciement de leur dirigeant local.
Je vais m’attirer les foudres des chefs d’entreprise qui, comme généralement, baisseront d’intensité quand ils liront ou écouterons cet exemple plus facilement applicable dans les PME que les grosses structures cloisonnées par métier.
Certes les 35 heures ne sont pas forcément adaptables pour toutes les formes d’entreprise. Chaque réduction du temps de travail n’a jamais réduit le chômage mais a peut-être contribué à limiter sa hausse. On oublie aussi que la France a connu des périodes de hausse du temps de travail quand l’intérêt national était en jeu. Mais comme lors du passage à l’euro, certaines entreprises ont décidé de maîtriser et d’en tirer certains avantages plutôt que subir et en ont profité pour mettre à plat leur politique salariale et de protection sociale.
Après avoir informé les salariés sur les réalités de la retraite (on ne cotise pas pour soi, la moitié des filles seront centenaires…), il était démontré que sur une somme de 100 euros, le salarié n’en retrouvait que 75 dans la poche, que cela coûtait plus de 140 à l’entreprise et qu’il fallait donc travailler pour au moins 150. La surprise et la prise de conscience étaient déjà de taille pour beaucoup d’entre eux !.
Il était ensuite démontré qu’en déposant ces 100 euros sur un contrat de retraite, seules les CSG et CRDS étaient exigibles et le gain était évident pour tout le monde. Si l’employeur passait sa cotisation à 140 euros, le salarié ne recevrait aucun argent immédiatement mais percevrait donc un abondement quasiment doublé pour sa retraite. Mais il était également prouvé que si le salarié prenait les 75 euros, il ne les mettrait pas forcément sur un contrat de retraite. D’où l’intervention pédagogique et bienveillante de l’entreprise au profit du salarié avec son accord. Dans 50% des interventions, les budgets immédiatement été mis à la barre haute et ont même été augmentés grâce à cette transparence et cette nouvelle confiance retrouvée avec un impact positif sur les ventes et le dynamisme des salariés.
Il en était de même pour ce chef d’entreprise qui me demandait de réaliser une formation commerciale après 3 réalisées par un autre confrère. Plutôt qu’exécuter la demande du client, je l’ai sensibilisé sur le fait que la réponse était peut-être ailleurs. Après avoir mis à plat la politique sociale et salariale, il apparu qu’aucune formation commerciale supplémentaire n’était opportune car l’entrain était revenu. J’avais peut-être a priori scié la branche sur laquelle j’étais mais a posteriori le gain était plus grand
Certains fonds aident les banques, certains fonds aident les Etats, d’autres enfin aident les entreprises. Bien qu’aucune taxe n’est attribuable directement par les règles budgétaires publiques, si l’Etat veut à nouveau fiscaliser les heures supplémentaires, pourquoi n’en profite-t-il pas pour les recueillir dans un Fonds pour les redistribuer aux entreprises répondant à certains critères éthiquement sociaux, pour compenser leurs charges et ainsi faire repartir la croissance de façon incitative ? Mais il peut également le faire sans cette fiscalité spéciale.
Ce fonds pourrait également aider les entreprises à abonder avec leurs salariés dans des garanties de retraite au-delà des heures légales en espérant toujours qu’elles ne soient pas fiscalisables.
A l’instar des dispositions anciennement prises sur l’innovation technologique, ce fonds pourrait aussi être abondé par particuliers à travers certaines collectes (assurances vie…) avec avantages fiscaux
Par ailleurs, retirer l’exonération des heures supplémentaires pour renflouer les caisses peut aussi revenir à augmenter la durée légale du temps de travail en augmentant de facto les cotisations….sauf si bien sûr il s’agit d’essayer d’augmenter les embauches mais voir plus avant … le changement c’est maintenant ?