interview sur la politique énergétique européenne
j'ai eu le plaisir d'etre interviewé dans l'émission EUROMATIC dans les studios de Radio Campus Université de Bourgogne à Dijon. Le texte sera publié prochainement. RDVZ le jeudi 6 décembre à 10H sur 92.2 dans la région dijonnaise ou en podcast ensuite sur dijon.radio-campus.org MERCI à toute l'équipe d'EUROMATIC pour cette émission qui parle d'Europe simplement
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Interview François CHARLES – Emission Euromatique
Contexte : Le gouvernement français travaille actuellement sur une idée de « communauté européenne de l’énergie », proposée par François HOLLANDE. D’après les prévisions, la demande énergétique mondiale pourrait doubler d’ici 2050. La France, comme d’autres états européens, s’engage donc sur la voie de la transition énergétique. Un projet de loi est en préparation pour septembre 2013.
Le projet est en adéquation avec la directive de la commission européenne (efficacité énergétique), dont l’objectif est de réduire les consommations énergétiques de l’UE de 20%, grâce à la production d’énergies renouvelables. A votre avis, cet objectif est-il réaliste ?
FC : Parlons déjà du contexte et des réalités. La consommation augmente mais non forcément en fonction de la population que certaines études multiplient certes par deux en 2050. Nous rentrons dans le tout électrique, nous savons faire la différence entre production et productivité, le prix de l’électricité augmentera jusqu’en 2030, voire davantage à cause de l’amortissement non atteint des énergies renouvelables mais également du cout de l’EPR. Nous avons des objectifs écologiques pour répondre aux engagements de Kyoto, notre dimension économique sociale s’accroit, notre comportement éthique se développe avec des notions de compensation carbone. Mais il faut aussi produire plus, innover et vendre en pleine problématique budgétaire. Pour revenir à votre question, de quoi s’agit-il ? parle-t-on de l’objectif français ou de l’Union ? Je rappelle que l’objectif de réduire de 20% était d’abord inscrit pour 2020 sur les énergies dites primaires avec, en France, le plan Réglementation Thermique Energétique (RTE) 2012. Cette réduction n’est pas liée uniquement à la production d’énergies renouvelables. Il convient d’avoir une vision globale et ne pas confondre l’objectif et les moyens à adopter pour y arriver. L’accord entre le Parlement et le Conseil oriente les efforts sur la rénovation des bâtiments publics, la réalisation d’audits énergétiques, la mise en place de mécanismes financiers, l’incitation des services énergétiques à être plus performants et moins chers. Il convient de diversifier nos sources pour être notamment bon élève face aux objectifs de Kyoto et la décarbonation. Il faut accroitre la R&D, véritable force motrice de l’Union pour être en accord avec le traité de Lisbonne pour faire de l’Europe « l’économie la plus compétitive du monde ». Il faut développer l’énergie positive des bâtiments même pour les anciens rénovés comme nous y pensons pour certains projets hôteliers. Il convient de réduire la dépendance énergétique de l’Union pour ses approvisionnements et sa technologie, comme par exemple sur les machines à découper les plaques photovoltaïques et ne pas être dépendant de la maintenance chinoise. Je connais bien le sujet, ayant été impliqué trop tardivement dans l’essai de sauvetage d’une entreprise Cote d’Orienne liée à cette production. Il convient de réduire les couts et dépenser moins pour tenir les objectifs budgétaires affichés.
Quelles influences peuvent avoir, selon vous, les institutions européennes dans la transition énergétique des états membres ?
FC : Qu’appelle-t-on transition énergétique ? est-ce être contre le nucléaire ? je vous pose la question. La transition énergétique est-elle le passage obligatoire vers l’écologie ? Ne pouvons-nous pas mieux atteindre les objectifs écologiques avec un nucléaire moins couteux et moins polluant même s’il présente des risques uniquement en cas de défaillance ? Cette transition n’est pas forcément la même pour tout le monde. La transition énergétique de l’Europe n’est pas un assemblage de politiques locales mises bout-à-bout. Faut-il suivre l’exemple de l’Allemagne qui doit désormais se rabattre sur le charbon, même si de moins en moins polluant, en abandonnant ses 24% d’énergie nucléaire ? je rappelle que l’Allemagne vivait aussi avec de l’éolien pour 6%, du gaz pour 14% et du charbon pour 41%. Et faisons attention à toute solution écologique si elle n’est ni productive, ni raisonnée, ni raisonnable. En reprenant les termes de Luc Oursel, je dirai volontiers que nous devons rendre les énergies renouvelables productives et efficaces. Les institutions européennes ont effectivement un rôle à jouer. Le système existe et repose sur la subsidiarité avec une certaine forme d’harmonie plus ou moins contraignante. On remarquera que la Commission a établi une directive et non un règlement. Il faudrait achever le système fédéral technique et réglementaire par une gouvernance politique forte afin de pouvoir organiser les ressources, les choix, leur prix, leur emploi à l’intérieur de l’Union mais aussi face à ses clients, concurrents ou fournisseurs. Une vraie politique énergétique doit s’installer comme dans bien des domaines. Les institutions peuvent définir un cadre de travail. Airbus a fait l’Europe mais avec le cadre qu’elle lui a donné. L’énergie est aussi sensible que la défense et l’alimentation. Les institutions peuvent orienter la possible segmentation des choix à adopter pour que tous les pays soient plus forts ensemble avec leurs ressources propres. Les institutions peuvent aussi donner des moyens communs pour des solutions d’interdépendance comme par exemple sur l’exemple cité avant avec la Chine.
L’Allemagne est à ce jour le pays le plus avancé dans sa transition énergétique. Elle est l’une des premières productrices d’énergie solaire et éolienne en Europe, elle est sortie du nucléaire et utilise des technologies avancées telles que la méthanisation, ou la micro-cogénération. Dans le contexte de crise et d’endettement actuel, la France peut-elle parvenir aux mêmes résultats ?
FC : j’en ai déjà largement parlé et vous retourne la question : l’Allemagne, épinglée désormais par les pays « propres » du nord, va-t-elle s’en sortir en terme d’énergie et de pollution ? Mais vu l’exploit de la digestion de l’Allemagne de l’Est, on peut sans doute lui faire confiance. Je rappelle que les objectifs sont multiples : réduire les couts, la consommation, les rejets mais aussi la dépendance. Passer à une dépendance nucléaire de 75 à 50% mais en conservant la même production est une bonne gestion si elle est maintenue dans le temps. Le mix énergétique doit sans doute être la règle en considérant une Europe prenant en compte les énergies de chaque pays. S’agissant de la méthanisation, nous avons moins de projets qu’en Allemagne et nous privilégions le digestat quand l’Allemagne qui fait pousser des céréales pour faire de l’énergie. Mais ne faudrait-il pas changer les règles ? Vous n’avez pas parlé de la pile à combustible, un des vecteurs le moins polluant, sur laquelle la France a « levé le pied » alors que l’Allemagne la développe dans ses trains, ses voitures et ses sous-marins même si elle abandonne ses centrales. Quant à la crise et l’endettement, la France n’est pas si mal en point que cela et il faut arrêter cette sinistrose spéculative. Et nous pouvons dire merci à l’Euro.
Quels sont, d’après vous, les éléments d’une politique d’intégration énergétique européenne efficace ?
FC : Cette phrase comporte beaucoup de mots importants : politique, intégration énergétique, européenne et efficace. Employer le terme d’intégration revient à considérer la filière. Il faut aussi parler de segmentation. Cette « communauté européenne de l’énergie » est défendue par l’IRCE depuis longtemps et un de nos groupes de travail prochain œuvrera sur la politique énergétique. D’autres organisations, comme « Confrontations Europe » de PH Herzog, qui a écrit sur le pacte européen de solidarité énergétique, s’y sont penchés mais peut être trop sur le volet de la décarbonation. Les éléments sont en fait repris dans la feuille de route 2050 qui sous-entend une notion de fédéralisme sous-jacente nécessaire pour engager une vraie politique car commune, pilotée et avec un budget. Les objectifs potentiels, retenu après le filtre des réalités, doivent être mesurables, accessibles, réalistes, réalisables et déterminées dans le temps. Il s’agit d’efficacité énergétique, d’augmenter les sources d’énergie renouvelable, d’augmenter la recherche et développement et l’innovation, l’éco-conception, la déconstruction, régler les lacunes structurelles, augmenter les capacités de stockage, accroitre la sureté et la sécurité, établir des relations internationales dans le domaine de l’énergie, accroitre l’ingénierie et les solutions financières existantes mais dans une prise de conscience collective, au-delà du couple franco-allemand. Je terminerai par une belle histoire. L’Allemagne a été semble-t-il sensibilisée à l’écologie en 1966 le jour où une baleine blanche, surnommée Moby, avait remonté le Rhin pendant 4 semaines jusqu’à Bonn. Le Bundestag en interrompit ses travaux pour aller la contempler. Les parlementaires comprirent ensuite qu’il s’agissait en fait d’un message car autant elle s’appliqua à mettre beaucoup de temps à se faire bien remarquer et s’arrêter exactement devant ce lieu symbolique, autant elle ne mis que peu d’heures pour ensuite regagner la mer. C’est ce genre d’électrochoc, comme celui du prix Nobel de la paix, dont l’Europe a parfois besoin comme souvent toute organisation riche et complexe.