La France adoubée nouveau leader responsable du groupe européen de l'OTAN
Cette vision n’est peut etre pas exactement celle de Barack Obama, même après l’attention très particulière qu’il a donné à son invité français, qui s’en est réjoui et avec lequel il semble partager les mêmes valeurs de protection des droits de l’homme et le même courage pour éviter qu’un 11 septembre ne recommence.
Elle n’est peut être pas non plus celle de certains militaires français qui n’ont pas encore compris que l’OTAN était un vecteur d’intégration européenne plus qu’une façon de perdre notre âme.
Mais c’est celle qui devrait être à la fois pour la dynamique européenne et pour une juste interdépendance avec les Etats-Unis qui nous aident finalement à devenir européens et à travailler ensemble.
Par François CHARLES
Economiste, ancien officier de l’armement et expert OTAN, conseil en stratégie et management, Président de l’IRCE
Au moment où Catherine Ashton donne désormais de la voix pour l’Europe, même parfois de façon inopportune, le temps où nous luttions à l’OTAN contre le couple américano-britannique, notamment sur les affaires industrielles, semble être révolu. Nous sommes même presque au pardon sur le pillage européen par l’avion de chasse F-35 et des écoutes.
Le retour à l’atlantisme chiraquien et à l’Union sacrée de 1776 est avéré et diffère de l’avènement de F. Mitterrand quand les Américains avaient peur des socialistes et de communistes revenus au pouvoir. Mais F. Hollande a bien dit qu’il était social démocrate et on le croit volontiers.
Barack Obama voit que la France tire les Européens dans une certaine segmentation d’intervention, comme avec le transport logistique au Mali où la Belgique a envoyé 129 appareils, l’Allemagne 95, les Etats-Unis 70, le Danemark 37 et le Royaume Uni… 2. Barack Obama est un visionnaire réaliste, comme l’était Mickaïl Gorbatchev. Il a donc choisi son leader européen, pourtant parmi les plus indépendants des Etats-Unis, pour prendre en main la destinée de la défense européenne, adressant par là même un signe aux autres nations du continent. La France n’a pas officialisé son statut dans l’OTAN, où elle oeuvrait déjà, pour perdre son identité mais pour valoriser ses approches avec ses voisins européens. Barack se rappelle que la France, Robert Schuman et Jean Monnet ont été les moteurs de l’Europe, comme du fait que T. Jefferson était très francophile. On peut penser qu’il considère F. Hollande comme un leader responsable mais également opérationnel de par le travail et les décisions, voire celui de processus par la façon de travailler, même si les autres pays d’Europe continuent à ne jurer que par les Etats-Unis et l’OTAN, leaders d’autorité et psychologiques, pour éviter notamment toute duplication budgétaire, mais également par souvenir d’un certain attentisme en 1938.
Par ailleurs, autant il faut comprendre qu’un Allemand préfère un euro fort pour ne plus vivre la république de Weimar, autant il faut admettre qu’un Allemand ne rêve pas d’intervenir dans le monde alors qu’un estonien le fait et autant il faut considérer que les Etasuniens ne demandent pas mieux que l’Europe soit en paix sans forcément y être présent ni avoir un devoir protecteur. N’oublions pas que les Etats-Unis ont sauvé plusieurs fois le diamant européen aux multiples facettes, mais bien réuni dans une même pierre, contre un pouvoir unique, synonyme de privation de liberté et de droits de l’homme. Mais rappelons nous qu’ils ne sont rentrés en guerre que tardivement à chaque fois et généralement par l’incitation française. Nous devons sans doute comprendre que les Etats-Unis, dont nous sommes les ancêtres, ne sont pas contre l’Union européenne, même économique, même s’ils souhaitent la contrôler tant qu’elle n’est pas stable. Nous devons aussi croire que Barack Obama ne défend pas forcément la position française mais ce qu’il y a de mieux pour l’Europe tout en sachant que le livre blanc français de la défense n’est pas européen. Au-delà du fédéralisme, encore très incompris, n’était-ce pas finalement cela le message de Jean Monnet, lié aux Etasuniens pour l’initiative de la CECA, de la CED et de l’armée européenne rejetée finalement par la France ? Les Etats-Unis ont reporté leur regard en Chine désormais et cherchent un gardien des clés. Ils nous donnent une forme d’autorité mais nous devons veiller à garder une certaine interdépendance tout en en profitant pour faire bouger les lignes.
La France, qui a offert la statue de la liberté aux Etats-Unis, doit la considérer ainsi et non comme nouveau lien privilégié des Etats-Unis pour faire la guerre dans le monde sans contrepartie notamment celle de « tu m’aides à garder le monde et je t’aide économiquement… ». Barack Obama ne peut avoir une autre idée derrière la tête et se souvient aussi des talents de médiateurs de Nicolas Sarkozy en Géorgie.
Sachons mettre à profit ce leadership acquis pour travailler avec des lunettes européennes au sein de l’OTAN comme quand nous avions réussi autrefois ensemble face aux solutions anglo-américaines pour l’ACCS (radars). Il est temps de penser autrement pour agir autrement et faire migrer désormais les systèmes en toute confiance, pour n’en faire qu’un au niveau européen au sein de l’OTAN, capable de s’en extraire en cas de besoin mais sans rompre la membrane externe. Nous pouvons créer cet espace militaro-industriel européen déjà en constitution à l’OTAN comme auprès de l’OCCAR, de création française, et de l’AED en profitant également des crédits étasuniens, ne serait-ce que pour établir un centre de simulation opérationnelle afin d’apprendre à fonctionner entre nous et harmoniser les besoins et les matériels en Europe et non plus aux Etats-Unis.
Ainsi l’armée européenne ne sera plus une armée de circonstance.
Nous autres militaires, même et surtout ayant fait des manœuvres interalliées, savons bien que si les Français et Allemands peuvent travailler ensemble, ils ne peuvent fusionner leur identité. Les interventions OTAN fonctionnent car elles ne cherchent pas à fusionner les composantes. Nous savons que l’Eurocorps, créé en 1993 entre la France et l’Allemagne, puis élargi à la Belgique et Espagne en 94, ne fonctionnera pas dans une identité commune et tant qu’il n’aura pas un budget dédié, comme à l’OTAN. Dans le domaine militaro-industriel, le modèle multidomestique Thales durera plus longtemps que le ciment Airbus, quasiment disparu, alors qu’il fonctionne dans le civil.
Notre fierté d’Européens, ne doit plus trembler de peur que les conditions d’emploi du corps européen et que le test de capacité opérationnelle dans un cadre OTAN ne soient pas respectées. Nous ne devons plus lire que l’OTAN doit être à disposition de l’UE en cas de crise mais plutôt que la partie européenne de l’OTAN, quasi copier-coller des membres de l’UE, peut gérer cette crise d’autorité et faire appel aux autres sous-groupes de l’OTAN en bonne intelligence en cas d’ultime besoin. L’intervention de 98 en Bosnie puis au Kosovo, l’intégration de la Pologne, les accords techniques avec la Turquie et l’Autriche, l’intervention en Afghanistan sous le drapeau de l’OTAN, le travail avec l’OTAN dans l’Intervention Security Assistance Force (ISAF) et les accords SACEUR nous ont appris à travailler ensemble en attente de nouveaux impétrants. Nous pouvons encore rêver d’une Europe économique et de défense de l’Atlantique à l’Oural avec un grenier minéral commun en Sibérie… Mais désormais nous pouvons, avec la bienveillance étasunienne, aller au-delà de la nécessaire interopérabilité. Dans les entreprises, le passage aux normes ISO doit être un stade plus qu’un but. Il doit en être de même pour notre défense et pour notre avenir d’Européens.