Le grand vide pour l’Europe du discours de Barack Obama
Barack Obama a donc retrouvé son siège de leader responsable des Etats-Unis fédéraux d’Amérique. Son discours était attendu. L’Europe ne s’y est pas trouvée. N’est-elle plus stratégique ? Veut-il faire oublier que la dernière crise que nous avons supportée vient des Etats-Unis ? Son regard se tourne désormais vers la Chine pour affirmer un certain pouvoir face à cet éveil qu’avait prévu Alain Peyrefitte. Profitons-en pour prendre également position et travailler sur notre unité de fonctionnement et de développement. Le jeu du « sans toi » est terminé, c’est le moment de nous prendre en main sans le lien américain sur notre modèle fédéral sur cinq grands thèmes principaux.
Par François CHARLES
Conseil en stratégie et management, ancien responsable de politique industrielle à la DGA et ancien négociation OTAN Président de l’IRCE
Gouvernance. Les américains voient l’Europe avec leurs lunettes et ne comprennent pas pourquoi les distances sont si difficilement franchissables et pourquoi les décisions sont longues à prendre. C’est peut-être une cause de détachement. Sachons tirer profit des éléments de fédéralisme soulevés lors de la campagne présidentielle américaine sans forcément copier leur modèle et en affirmant notre identité avec la force de nos régions et des nos Etats. Sachons consolider nos règles de fonctionnement avec une vraie cohérence stratégique et opérationnelle.
Economie et fiscalité. La Chine a remplacé le Japon comme grand argentier mondial, et a remplacé la France en Afrique au Tchad pour l’agriculture ou en Algérie pour le BTP. L’intelligence économique européenne doit affirmer la qualité de ses produits, protéger son économie interne avec des droits de douane pour redonner une confiance interne qui garantira sa monnaie. Les liens transatlantiques, comme avec ceux des autres grands blocs doivent être forts mais interdépendants car il s’agit d’une guerre économique permanente. L’euro peut désormais s’affirmer comme monnaie de référence pour le pétrole mais aussi les autres marchés énergétiques qui vont bientôt de plus en plus emprunter la route maritime nord suite à la fonte des glaces.
Energie. Les Etats-Unis d’Amérique viennent de déclarer qu’ils deviendraient indépendants énergétiquement grâce à leur gaz de schiste. Sachons affirmer notre indépendance énergétique par l’assemblage de nos politiques et nos ressources et avec une indépendance vis-à-vis de la Chine sur le solaire. Sachons aussi valoriser les énergies de tout le continent en nous rapprochant de la Géorgie mais aussi de la Russie.
Industrie. La recherche est primordiale et européenne depuis longtemps par ses programmes collaboratifs. Elle doit l’être aussi dans les domaines stratégiques comme nous avons su le faire dans l’aéronautique. L’Amérique a assez pompé nos budgets de recherche dans le domaine de la défense pour construire un avion militaire sans logique marketing. Une vraie politique industrielle doit désormais aller au-delà de la recherche avec un vrai protectionnisme.
Défense et diplomatie. La pensée étasunienne se tourne désormais vers l’Asie avec déplacement de troupes et de porte avion. C’est le moment de mieux considérer l’OTAN comme vecteur d’intégration européenne pour mieux faire entendre nos différences comme nous avons réussi à la faire pour les négociations ACCS. Certes « si les Ricains », sauveurs du monde, « n’étaient pas là », nous aurions peut-être réglé autrement nos affaires européennes en 1918 ni en 1945 mais nous pouvons aussi considérer que leur dette est éternelle envers la France et le Royaume Uni qui les ont créés, combattus ou sauvés en leur temps. Sans casser l’OTAN, qui conserve sa justification dans ce monde dangereux, la défense européenne doit être désormais réelle et non de circonstance. Elle ne doit plus être considérée comme une variable d’ajustement américaine. Les écarts de confiance de la Pologne et de ses voisins peuvent être compris avec les plaies toujours présentes de 1938 qu’ils savent nous exprimer. Ils les oublieront peu à peu si nous nous montrons forts ensemble et en ne parlant diplomatiquement et militairement que d’une seule voix. FC