Union Européenne : un budget « anglo-saxon » mais n’oublions pas la codécision
L’Europe n’est pas la France, ce dont on nous rappelle souvent, même si elle est née surtout de son initiative. L’Europe c’est aussi l’Allemagne et tous les autres pays. « Chacun ses lunettes ». Nous venons encore de le constater lors du vote du budget « de compromis » par le Conseil. Mais n’oublions pas le poids désormais grandissant du Parlement dans la codécision si nous savons bien employer ses effets de levier pour voir les choses autrement.
Par François CHARLES
Économiste, conseil en stratégie et management, président de l’Institut de Recherche et de Communication sur l’Europe (IRCE)
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Certains diront que les anglo-saxons ont gagné, que l’Allemagne est venue au secours de son cousin, le Royaume-Uni, champion du lobbying, dans sa demande d’écoute, qui a soutenu en retour l’Allemagne dans son discours d’austérité. Bien entendu, dans la négociation, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont laissé à la France sa meilleure solution de rechange pour préserver « sa » Politique Agricole Commune bien que l’Allemagne soit en réalité la plus grande nation agricole. On se souvient du compromis de Luxembourg qui confère à un Etat membre un droit de véto à l’encontre d’une mesure de l’Union menaçant un intérêt national essentiel, et qui a mis fin à la politique de la chaise vide pratiquée par la France pour la PAC en 1965. Nous verrons ce que deviendrons les discussions à partir du 1er nov. 2014 avec le nouveau système de la double majorité qui entrera en vigueur avec une minorité de blocage d’au moins 4 Etats membres. D’autres diront que c’est le juste retour de flamme du rejet de l’Europe à la carte par F. Hollande, qui pourrait parfois s’inspirer des méthodes de politiques générales d’entreprises.
On peut aussi se demander si l’Allemagne n’est pas égoïste, elle qui sait très bien fonctionner dans son ancienne zone Mark avec un euro fort en venant d’enregistrer son deuxième plus fort excédent commercial depuis 20 ans, qui n’a pas de leçon à recevoir devant la digestion de sa parie Est et son modèle social du travail que l’on peut lui envier, et qui peut se permettre de faire une pause de croissance.
Ce budget, composé de TVA, droits de douane et de contribution des Etats Membres en % du PIB, ne représente que 1% de la richesse globale des pays de l’Union, n’équivaut même pas à la moitié du budget de la France et intervient que par principe de subsidiarité sur des financements à direction des régions ou directement des entreprises à travers les fonds structurels et les programmes. La France en est le deuxième contributeur après l'Allemagne, l’Italie et le Royaume- Uni, loin devant l’Espagne, les Pays Bas, la Pologne et les autres pays. Mais elle en est aussi le second bénéficiaire essentiellement pour la PAC et non pour ses territoires ou même ses entreprises qui se plaignent tout le temps de la lourdeur administrative des dossiers à remplir. On peut en accepter les réalités sauf que le budget est voté depuis 1988 dans un cadre financier pluriannuel pour 6 ans, une sorte de Loi d’Orientation des Loi de Finances.
La balle est désormais dans le camp du Parlement qui joue un rôle croissant dans la codécision et qui peut proposer des solutions constructives comme par exemple une sorte de révision annuelle. Je ne pense pas que le consensus politique en France, pour reprocher à F. Hollande de n’avoir pas soutenu un budget de croissance, alors que la droite était derrière N. Sarkozy pour un budget de rigueur, et qui peut donc semer le désarroi, soit une bonne tactique. Il conviendrait plutôt de consacrer nos énergies à considérer et rallier les « petits pays », comme nous avons su le faire à l’OTAN dans les projets industriels, pour leur faire partager notre vision créatrice souvent bénéfique.