L’Assemblée Nationale … des jeux
En train d’écrire un article sérieux à la fois technique et politique sur le fédéralisme européen, avec en bruit de fond la séance des questions à l’Assemblée Nationale, je ne peux m’empêcher de changer de sujet. Non seulement car je ne parviens pas à me concentrer mais surtout pour m’intéresser aux attitudes adoptées par nos représentants, parfois amusantes, parfois perturbantes. Merci encore à nos députés pour nous aider à comprendre autrement la politique, exercice courant depuis Mirabeau et Talleyrand.
Par François CHARLES
Coach et conseil en stratégie et management, animateur politique. *Bibliographie : Des jeux et des hommes, d’Eric Berne, Ed Stock
Pour Eric Berne*, les jeux sont « une séquence relationnelle composée d’une série de transactions cachées, complémentaires, effectuées dans un cadre donné, avec un début et une fin, un mobile caché, un niveau psychologique non social, progressant vers un résultat bien défini avec un bénéfice attendu pour chaque joueur »
Lors du début de séance sur le budget, le chef du groupe parlementaire d’opposition prend la parole « Ya-t-il un pilote dans l’avion ? ». Et le Premier ministre de répliquer après avoir échangé des regards avec président de l’Assemblée, lui demandant sans doute s’il voulait répondre : « merci pour vos questions, toujours aussi brillantes » « que dire de votre Président qui traitait son Premier Ministre de collaborateur ? » « Je ne suis pas là par hasard, j’ai la confiance du Président de la République et de la majorité vous, vous n’avez pas cherché les causes de votre échec ».
L’affaire aurait pu en rester là mais un ministre, a pris la place d’un autre pour répondre sur la dépénalisation du cannabis, d’ailleurs sans le faire sur le fond. Etait-ce pour mieux le protéger ? Peut-être pas.
Un jeu était en train de se dérouler, avec appât, amorce, message caché, point faible on mord à l’appât, réponse réaction, interlude de messages sociaux, coup de théâtre, confusion, stupeur mais toujours bénéfice final quasi toujours négatif.
Je parlerai ici d’une forme de jeu du « tribunal » qui peut comporter n’importe quel nombre de joueurs, où le président de l’Assemblée jouait sans doute les thérapeutes mais où les parties sont passées tout de suite au dialogue direct et où l’accusé a voulu apporter une autre réalité en demandant lui-même l’avis du public, la majorité de gauche, pour mieux se cacher derrière.
Après coup, qui est le plus honnête et qui a eu le plus de plaisir ? L’accusé qui n’a pas vraiment répondu, sans doute pour l’avoir assez fait dans les médias, mais qui a ensuite apporté la preuve de sa force ne permettant pas à un de ses ministres de se défendre tout en constatant la réalité des failles ? Les parlementaires de gauche qui affirmeront, lors de la pause, que le management était parfait… mais a priori surtout bien prévu à l’avance… ?
Ou est-ce l’opposition systématique et plaignante qui a montré qu’elle était présente, demandant même la « démission », comme dans un conseil d’administration où l’on peut virer le DG en une minute lors d’un vote, oubliant sans doute qu’elle n’était pas majoritaire ? Mais n’a-t-elle finalement pas eu justification des couacs étant donné le musellement du ministre, tout en sachant qu’elle a eu tord car elle n’a pas fait avancer le schmilblick ? L’orateur n’était pas énervé mais étonnamment jovial comme d’ailleurs tout son groupe. Etait-ce pour mieux faire oublier que c’était le même bazar avant… ou pour mieux le rappeler ?
Laissons les jouer. Dommage pour la France, mais si cela les amuse…