LE GRAND FOYAKA ET LE MANAGER
Un jour, le grand Foyaka, apparatchik diplômé, convoqua ses
disciples et ses serviteurs, et leur dit :
— Le roi vient de décider que sa demeure avait besoin d’un
nouveau système d’éclairage avant la prochaine lune.
Puis s’adressant à son bras droit :
— Toi, ô manager suprême, prends une équipe et charge-toi
du bâtiment au fond de la propriété au milieu de la forêt. Je
prends pour ma part les appartements principaux.
Et tout le monde de se mettre à l’oeuvre. Les jours passaient,
l’échéance se rapprochait. Les deux équipes travaillaient
d’arrache-pied. Puis la lune apparut. Le roi arriva.
tiré des Fabliaux du Management par François CHARLES
Il fut reçu par le grand Foyaka, qui lui fit aussitôt visiter les
appartements royaux et lui montra que les travaux réalisés par
ses serviteurs et ouvriers étaient terminés et conformes. Il fit
part néanmoins de toutes les prouesses que cela avait exigées.
Le roi le remercia, demeura deux jours dans ses appartements,
puis, à l’aube du troisième, alla se promener dans la forêt avec
son épouse.
Le soir approchant, il se rappela qu’il possédait une maison
au milieu des bois et en prit le chemin. Il distingua soudain une
lueur agréable se dégageant derrière une butte et comprit qu’ils
étaient arrivés. Le manager suprême, averti par ses collaborateurs,
accueillit le couple avec humilité et leur laissa découvrir
le lieu à leur convenance.
Les jours passèrent. Le grand Foyaka s’inquiétait de
l’absence du roi quand, soudain, un messager vint le trouver :
— J’apporte un message de son altesse : ses appartements sont
transférés dans l’autre demeure où seront également reçus les
amis et visiteurs de marque. Prenez vos dispositions. Vous êtes
nommé dorénavant le grand Yavaika.
Sur ces mots, ce dernier courut interroger un membre de
l’équipe du manager suprême :
— Qu’a donc fait ton maître pour transformer le roi ?
— Le manager nous a simplement dit : imaginez-vous en train
de bâtir un château des Mille et Une Nuits.
Enseignement
Donner envie est meilleur qu’imposer. Savoir motiver une
équipe, c’est prouver que l’on peut aller ensemble dans une
même direction avec des objectifs compris et validés par tous.
Encore une fois, tout n’est souvent qu’une affaire de
communication. Par exemple, au lieu de travailler dans l’objectif
d’une certification, sensibilisez vos équipes sur la vision de
l’enjeu à construire à plus long terme. L’obtention de la norme
ne sera plus un but, mais une étape. En allant au-delà de la
norme, votre travail pourra même être pris pour exemple afin,
peut-être, de faire avancer la réglementation.
Si vous agissez en tant que conseil, vous aurez davantage
de mérite et de reconnaissance en avertissant le client que,
par éthique, vous ne travaillez que dans une optique de
construction et non uniquement pour lui faire obtenir un
certificat. Face à son client, l’entreprise pourra tenir le même
langage.
Sans forcément parler de norme, la mise en place d’un
système d’information quel qu’il soit peut tourner au cauchemar
si vous n’informez, ne motivez ni ne sensibilisez les
personnels sur le besoin réel qui justifie ces travaux, qui doivent
être « leurs » travaux.
Il est généralement plus porteur d’afficher : « Notre objectif
est de… et pour cela il convient de… », que de simplement
annoncer que « nous devons parvenir à mettre en place ceci
pour le bien de l’entreprise ».
Bon nombre de managers se demandent souvent pourquoi
certains collaborateurs disent que « désormais, ce n’est plus leur
affaire ». Ne devraient-ils pas chercher à analyser la source de
cette perte de motivation plutôt que se borner à appliquer les
procédures coûte que coûte ?
Cherchez le contact, fondez-vous dans la masse de vos
salariés, allez prendre le pouls de l’équipe, ne vous contentez
pas des remontées d’information. Faites des exercices d’échange
de rôles.
Allez vous rendre compte par vous-même de l’impact de vos
ordres directs ou indirects, de l’état d’esprit et de la façon dont
on parle de vous. Confrontez-vous à ceux qui ne pensent pas
comme vous. Cherchez à savoir pourquoi certains développent
une résistance contagieuse, souvent due simplement à un rejet
de l’imposition par rapport à un besoin d’intégration. Le tout
pour assurer la nécessaire stabilisation de la base.
Alors, chez vous et autour de vous, qui sont donc les
managers et le Foyaka ?