Qu’est-ce donc qu’être gaulliste, social et libéral ?
Article de 2012. Ancien Officier de l’armement sans être certes général, après avoir servi dans la cavalerie en Allemagne, engagé politiquement au RPR dès l’âge de 17 ans, ayant été remarqué dans la défense ou les relations industrielles en bien ou en horreur par mon côté « remuant », soumis néanmoins au devoir de réserve, ayant suivi et enseigné dans l’enseignement militaire supérieur avec une vision globale s’opposant aux approches traditionnelles, protégé par de grands mentors étoilés, initié aux affaires de l’Etat dans des postes à la DGA lié au SGDN, à l’interministériel et aux cabinets ministériels, ayant été appelé pour initier ou remettre à plat certains sujets stratégiques dans l’armement, l’industrie et la maintenance aéronautique, ayant participé à l’analyse et la réflexion sur l’armée de métier dans le cadre de mon DESS de défense, conférencier, enseignant, éternel visionnaire, concepteur, appelé pour intervenir d’une façon globale et consensuelle voire diriger en leader responsable et de processus lors de crises, écrivain dans des revues nationales et militaires, davantage lu à l’étranger, ayant aussi traversé le désert, sachant mener de grands travaux et dire non dans les décisions de politique industrielle ou de politique locale mais sachant aussi me retirer, travaillant sur la politique européenne, ancien partenaire officiel euro, ayant veillé à la position française aux réalisations industrielles de l’OTAN face aux Etats Unis et aux britanniques, sachant parler à la gauche, avec une écoute sociale, avec une volonté de rassemblement tout en étant en réalité assez seul, anti communiste mais ouvert aux socialistes sans perdre mon pied d’appel à droite, j’ai apparemment et modestement de très nombreux points communs avec le général de Gaulle au cours de sa vie. Je n’ai pas fait de guerre (presque la 3e en 89), mais j’ai été blessé en opération (comme lui en 14). Peut-être aurait-il aimé analyser l’Asie et y voyager, à faire des études de management, travailler dans de grandes entreprises.
Par François CHARLES
économiste, sociologue, conseil en stratégie et management, affaires européennes, animateur politique
L’histoire avait sans doute oublié certains points dans le coup de tamis des années. Bien entendu, avec son profil persévérant, il avait ses forces et ses faiblesses, déjà énoncées au début de l’article mais aussi pour avoir sous-estimé la révolte des étudiants en 1968. Par ailleurs il semblait très ancré sur ses réalités. Mais le général a également su évoluer en sachant néanmoins intégrer les autres une fois certains éléments démontrés et son avis demandé.
Ma bibliothèque contient ses mémoires, certains livres écrits par d’autres mais aussi ses ouvrages vedettes comme « vers l’armée de métier » avec la phrase rajoutée dans la version de 1944 sur l’apport précieux de l’aviation (qu’il n’avait pas appréciée qu’en janvier 1940), « la France et son armée » et le « discours aux Français » retrouvés dans le grenier de ma maison de ma famille déjà gaulliste.
Pour parler un peu du débat militaire, j’estime que ce n’est pas forcément à cause d’un cloisonnement stratégique entre armées que la guerre a été perdue mais du fait d’avoir fonctionné de façon attentiste avec la ligne Maginot défensive, nous sentant protégés par ces défenses redoutables qui ont d’ailleurs démontré leur efficacité. Nous aurions pu au contraire mieux passer à l’attaque et même détruire facilement les colonnes de chars allemandes prises au piège d’un embouteillage monstre en Belgique et montrant leur flanc. Les chars avaient aussi toutes leurs valeurs pour des actions en raid, comme le suggérait de Gaulle, mais au delà de la ligne. Par cette confiance, l’armée mécanisée n’était pas prête et l’aviation était presque inopérante déjà à cause de problème de maintenance !! Bien entendu Hitler lisait attentivement de Gaulle car sa stratégie était quant à elle davantage offensive.
Identifié à l’action française, monarchiste devenu républicain par mimétisme, homme d’action opportuniste faisant abstraction des idéologies pour des alliances face aux permanences géographiques et nationales, le général de Gaulle a réussi avec persévérance à atteindre ses deux objectifs : d’une part en 1940 , pour libérer le territoire, restaurer la République, organiser des élections libres et démocratiques ainsi qu’entreprendre la modernisation économique et sociale ; et d’autre part avoir réussi à installer un Etat exécutif fort mais démocratique en 1958, non exclusivement soumis aux partis, comme il l’annonçait déjà le 20 janvier 1946 lors de son discours de politique générale sur l’organisation, mais qu’il n’avait pu mettre en route car alors sans soutien, la France n’étant plus en situation d’alarme.
De Gaulle a su entretenir l’élan des grands travaux de la 4e république à la sortie de la guerre, continuer les actions de rationalisation économiques et de dynamique industrielle, dont armement et aéronautique, lancées en quelques mois par Pierre Mendes France pour une France industrielle plus forte dans ses frontières qui se donne les moyens de son indépendance. Mais il a su également donner le droit de vote aux femmes.
J’aime m’identifier à cette personnalité notamment à travers le Chêne initié par Michèle Alliot-Marie. Je me qualifie volontiers de gaulliste social libéral ancré à droite pour justifier mon parcours politique et professionnel proche de la création de valeur, de la vision industrielle et économique en faisant moins d’Etat mais mieux d’Etat avec responsabilisation et surveillance mais en sachant utiliser l’effet de levier humain en consultant, motivant et donnant la parole à la population, surtout dans les grandes décisions, mais sans remettre en question l’organisation forte du système et de l’Etat.
En terme de positionnement, il serait injuste de ne pas reconnaitre que la RPR puis l’UMP ne dérivent pas du RPF né en 1947, anti communiste et luttant pour un régime exécutif et contre l’hégémonie des partis, puis de l’UNR fondée en 1958 pour soutenir l’action du général de Gaulle et notamment dirigée par un certain Robert Poujade jusqu’à sa refondation en UDR.
Mais chacun est libre d’apprécier le Gaullisme comme il l’entend, comme un tableau dont certains voient spontanément les détails alors que d’autres voient les images, l’essentiel étant que chacun se retrouve au milieu du gué. Tant mieux si tout le monde s’en réclame et si c’est un sujet d’unité, certaines personnes de gauche en oubliant même l’opposition de Mitterrand à De Gaulle.
C’est sans doute tout cela aussi être gaulliste mais j’en retiens pour ma part trois points : d’une part surtout un Etat fort, organisé et républicain qui sait prendre des décisions tout en consultant ; d’autre part une volonté d’affirmation d’un progrès économique et social liés plutôt ancré à droite dans un but d’intérêt national ; et c’est enfin dire non à toute ingérence étrangère contraire aux intérêts de la Nation mais en prenant en considération les réalités du moment s’agissant notamment de l’Europe des Nations, toujours vraie, mais s’orientant désormais vers une gouvernance fédérale.
Quant à son sempiternel sentiment anti anglais, c’est sans doute à cause d’avoir été prévenu la veille du débarquement, de leur dépendance ou leur faiblesse face aux Etats-Unis ou d’avoir reconduit Churchill comme il l’a été. Mais c’est humain …